
Un labyrinthe, témoin de sagesse antique, est un motif géométrique (cercle, carré ou polygone) qui s’organise autour d’un point central, comme « lieu sacré » à atteindre en ne ménageant pas efforts et persévérance. Il évoque une construction complexe d’un cheminement trouble et sinueux, muni ou non d’embranchements, d’impasses et de fausses pistes, destinés à perdre ou à ralentir celui qui cherche à s’y déplacer.
ÔséÂme
Le labyrinthe, comme tout symbole universel, est un système vivant dans l’imaginaire profond de l’Homme. Des temps anciens à nos jours, il est toujours présent dans notre âme prenant racine dans l’expression picturale des fresques préhistoriques, passant par les épopées décrites dans la mythologie grecque jusqu’à la psychologie des profondeurs inspirée par C.G.Jung.
Dans la psyché humaine, le labyrinthe représente le mystère intérieur, un regard en soi faisant écho au monde extérieur. Selon toutes les traditions, cette structure, révélation authentique du sacré féminin, permet de faire coïncider l’histoire individuelle et la mémoire collective.
Le Mythe du Labyrinthe
Le thème du labyrinthe constitue un élément symbolique essentiel dans l’histoire mythique de Thésée. À la fois prison matérielle, protection sacrée et scène initiatique, il évoque les 2 tendances spirituelles opposées : la libération ou l’enfermement, l’élévation ou la chute.
Minos, à la mort de son père le roi Astérios, revendique le trône vacant. Affirmant qu’il est l’élu des Dieux, il prédit qu’un taureau merveilleux lui sera prochainement envoyé pour témoigner de sa légitimité pour accéder au trône contre celle de ses frères. Il s’engage à rendre le taureau au Dieux en le leur sacrifiant. Poséidon, Dieu de la mer, sensible à cet appel, réalise la prière de Minos et fait sortir de la mer un magnifique taureau blanc. Émerveillé par le prodige, tous les crétois reconnaissent alors Minos comme leur nouveau souverain. Mais ce dernier, oubliant sa promesse et cédant à l’orgueil, enferme le taureau dans ses étables. Poséidon, furieux d’avoir été bafoué, décide de se venger et il inspire à Pasiphaé, l’épouse de Minos, une violente passion pour le taureau. La reine s’unit ainsi à l’animal et il naît de leur relation contre nature le fameux « Minotaure », créature monstrueuse dont le corps est celui d’un homme et la tête, celle d’un taureau. Pour dissimuler sa honte, doublement provoquée par l’infidélité de son épouse et son serment non respecté, Minos mandate l’ingénieux Dédale de construire un labyrinthe pour y enfermer le monstre. Pour qu’aucun homme ne puisse témoigner de ce qu’il aurait vu, si d’aventure il se hasardait dans le labyrinthe, Dédale fait en sorte qu’il ne puisse en retrouver la sortie.
Minos utilise ensuite le « Minotaure » pour servir ses propres intérêts. Ayant vaincu les Athéniens, il les contraint tous les 9 ans (Grande Année) à s’acquitter d’un cruel tribut : 7 jeunes filles et 7 jeunes garçons seront destinés à nourrir le « Minotaure ». Jusqu’au jour où Thésée, valeureux héros grec révolté par cette injustice, se porte volontaire pour servir de pâture au monstre. Grâce au concours inespéré d’Ariane, la fille de Minos, il entre dans le labyrinthe sacré, tue le « Minotaure » et sort grâce au fameux « fil d’Ariane » que la jeune fille lui a donné et qu’il a pris soin de dérouler tout au long de son avancée dans le méandre tortueux.
Le « Minotaure » symbolise l’être vulgaire soumis à ses sens. Il personnifie la perversion, les appétits insatiables de la libido et l’assujettissement aux pulsions. Thésée qui vainc l’animal illustre la victoire du « moi » sur le « ça » (formule freudienne). Thésée, dans le mythe, représente le courage et la maîtrise pendant qu’ Ariane symbolise l’ingéniosité. L’alliance des 2 participe à venir à bout de la complexité du labyrinthe. Seule l’intelligence, la ruse et le courage, ainsi qu’une prise de conscience et la connaissance de soi, permet de passer l’épreuve de l’espace inconnu, du lieu ténébreux, de la difficulté, de l’adversité, de l’égarement et de l’angoisse provoquée par les peurs, que représente l’aventure du labyrinthe.
Le labyrinthe, la source, la voie de droite, le cœur, l’arbre de vie est le passage du « moi » vers le « soi », du paraître à l’être, de l’illusion à la réalité, c’est le « chaos de l’ordre ». C’est l’invitation à accéder à son chemin de vie, chemin vers la vie éternelle.
Le Labyrinthe : sa Symbolique
Le labyrinthe du latin labyrinthus, (bâtiment dont il est difficile de trouver l’issue) est issu du grec ancien laburinthos qui signifie « nasse de pêcheur » et par extension « le jeu du poisson pris dans la nasse ».
Le labyrinthe ou « les vicissitudes de l’existence » symbolise les chemins tortueux de la vie ou de la conscience. Il invite à la recherche intérieure pour sortir de l’égarement. Il constitue la figuration idéale des dédales, des interrogations et des tourments intérieurs. Correspondant architecturale de la forêt, il contient une certaine dangerosité, mais institue aussi la quête qui mène à la vérité. Symboliquement, il s’agit, dans un labyrinthe, de la même quête que dans une sombre forêt : il faut trouver la lumière grâce à la canopée (strate supérieure d’une forêt composée des feuillages directement exposés au rayonnement solaire). Enfermant le trésor ou constituant une prison, il impose à l’Homme l’obligation de trouver la clé de se dépasser pour échapper à ses méandres et parvenir à la lumière. Les dessins spirituels et l’art sacré (mandalas, arabesques) font intervenir des motifs labyrinthiques pour donner à la psyché l’occasion de méditer, de se concentrer et de s’élever. La compréhension procède de l’accès à la vérité, de la capacité à déjouer les écueils des chemins qui ne mènent à rien, des routes qui forment des boucles empêchant l’évolution. Il représente un système de défense tant spirituel (contre les mauvais esprits, les forces du chaos) que matériel (contre les ennemis physiques).
Dictionnaire des Symboles Corinne Morel
Le Labyrinthe ou le Pèlerinage de l’Âme
Au plus loin où remonte le temps, la quête de l’essentiel a toujours été envisagée sur le modèle du voyage. Que le voyage soit concret ou qu’il soit métaphorique, il constitue l’élément dynamique de la quête, qui devra être envisagée dans une parfaite harmonie entre le corps, l’âme et l’esprit.
Ce voyage, qui commence par la Terre, doit nous conduire d’emblée vers la Terre Mère, ce qui nous laisse à penser que tout voyage que l’on expérimente, même sur un plan symbolique, est une traversée qui s’accomplit sur le corps de la mère à la recherche de centre sacré. Cette recherche de « terre promise » est aussi celle qui est inscrite au plus profond de notre chair, au cœur même de notre corps. Ce centre corporel est la figuration de la chair et de la parole perdue. C’est de ce centre qui appelle, qui guide, qui aide, que l’on s’élance sur le chemin pour retrouver la voie du sacré, du secret ou de la connaissance.
Dans les civilisations traditionnelles, avec une intuition parfaite et une grande certitude, le chemin de l’âme en quête du centre va se transcrire dans le phénomène du pèlerinage et l’itinérance symbolique au cœur du labyrinthe, il en sera la fidèle représentation.
Le « quêteur » répondant à l’appel du pèlerinage de l’âme, s’engage dans un processus qui traduit la recherche de sa propre âme en accédant au lieu sacré de la Terre Mère, là où la communion entre lui et l’univers est alors ajusté. Le lieu sacré de la Terre Mère figure de la singularité de 2 réalités qui sont, d’une part, la « grotte temple » et, d’autre part, le « sommet de la montagne ». La « grotte temple » est le lieu où l’on entre à l’intérieur de la Terre, quand la montagne est le lieu extérieur où la Terre essaie de rejoindre le Ciel.
Cette tension d’opposition évoque une double polarité dynamique du dedans et du dehors, du creux et du plein, du yoni (vulve) et du linga (phallus), renvoyant aux 2 façons dont l’humanité s’est toujours représentée le centre du monde. Il s’agit du nombril du monde et de l’axe du monde. Une fois qu’on a trouvé le nombril du monde, on accède à cet axe qui fait le lien symbolique entre le centre de la Terre et le centre du Ciel soit le « Cœur du Labyrinthe ». Cette représentation a évolué pour devenir le temple en tant qu’aboutissement du voyage, le temple devenant un accomplissement où on devrait se rendre tel un endroit central surréel et spirituel du monde. Durant les pérégrinations (trajet complexe) du processus que l’on expérimente sur le corps de la Terre vers son centre, on est nourri et guidé par cette Terre Grande Mère et en même temps verticalisé et inspiré par l’Axis Mundi céleste. L’épreuve véritable qui valide le pèlerinage et donc l’intégration du labyrinthe en tant que structure de la conscience d’être, est le fait de ne point se dissoudre dans ce centre tant espéré.
Le but est de vider le temple de notre âme de fausses représentations profanes afin qu’elle puisse entendre le son du Tout Autre. Le voyage de l’âme sur le chemin du labyrinthe nous conduit à l’intimité même de la Terre chair.
La quête à travers le labyrinthe est le rythme spirituel en harmonie spatiotemporelle avec la mélodie des mesures supérieures et éternelles de l’Infinité.
Le labyrinthe, ou ce qu’il représente, est l’allégorie du dépassement de ses propres limites, ses chimères et illusions, c’est un cheminement pour aller à la rencontre du réel et le transcender, cette approche au sein du corps spirituel invite à s’y rencontrer dans le « je » interactif des effets miroirs entre lumière et ombre.
Parcourir l’enseignement du féminin sacré, l’âme mi divine, mi humaine, ce double état d’être, convie à la réunification de toutes les dimensions de l’existence.
L’Elixir du Labyrinthe
La définition de l’élixir parle de la quintessence, du principe le plus pur de quelque chose, le processus du labyrinthe se propose d’être « l’élixir alchimique » de l’Être. Le labyrinthe, comme « condensateur d’expérience spirituelle » ou « représentation du cosmos » met face à la notion de dualité comme la vie, la mort ; le visible, l’invisible ; les dieux, les humains ; la vie intérieure, la vie extérieure. Il ouvre à l’imagination, la stimulation intellectuelle, la spéculation spirituelle, au cours du parcours, la réflexion s’enrichit et s’exalte. Le travail méditatif, intellectuel ou spirituel induit par la rencontre avec « son labyrinthe » est source de métamorphose et d’évolution pour le cheminant.
Marcher, avancer dans son labyrinthe intérieur, peut donner l’impression de reculer ou de régresser alors qu’il s’agit de reconstituer tout simplement son vaisseau corporel, mental, émotionnel et spirituel. Tel est le sens de la symbolique universelle du labyrinthe qui est une ressource majeure pour rejoindre le cœur de son Être, comprendre l’âme humaine, ses rouages et sa dynamique.
« L’expérience du labyrinthe est l’artiste qui travaille, rêve, élève ses pensées, progresse et cherche à transcender le monde des choses matérielles par un effort pour atteindre un but spirituel. Parcourir et comprendre labyrinthe en conscience fait accéder aux clés pratiques de la loi de la Foi en Soi ».
Bénoit de Solys

2 réflexions sur “Le Labyrinthe : Dédale Intérieur”