
C’est dans les Upanishads, textes issus du védisme ancien, que C . G . Jung empreinte le mot Atman qui signifie « soi » ou « soi-même ». Cette notion désigne l’Être dans sa dimension pure et authentique, la personne vraie dont le « moi » n’est qu’une enveloppe. S’appuyant sur cette philosophie indienne, il peaufine, adapte et apprivoise ces concepts pour les mener à une finalité, l’accomplissement du « moi » s’exerce dans la projection de celui-ci vers le Soi. Cette conviction et sensibilité engendrent la relation et les rapports que le « moi » entretient avec le Soi tout au long de l’existence.
Dans l’œuvre de Jung, l’idée de Soi se révèle comme une évidente réalité. Le Soi est dès lors une confirmation qui part de l’expérience personnelle, auquel on accède par le cheminement intérieur impliquant la mise en œuvre du « processus d’individuation ».
Toute réalité humaine est relative, il serait destructeur de lui donner un statut d’absolu. Le travail du « moi » confronté à la puissance du Soi met en lumière les limites humaines. Il permet de discerner ce qui est de l’ordre de l’idéal et de la réalité, des images de perfection aux capacités réelles. On est tenté de s’identifier à des héros, que ce soit le travailleur expert, ou la mère parfaite, alors que l’on n’est qu’un homme ou une femme, de simples mortels. Et lorsque, par exemple, un gouvernant veut faire passer sa volonté ou son idée comme absolue, dans le but de conquérir le pouvoir, il outrepasse les limites de son humanité.
La relation avec le Soi invite l’Être à se désidentifier des rôles sociaux imposés, elle libère des carapaces de protection. Elle met la personne en relation avec sa vérité intérieure, en la reliant à ses instincts profonds et sa capacité d’aimer. Elle ouvre sur ce que l’on est en profondeur, dans sa singularité d’humain, dans son entièreté. Jung parlait du « processus d’individuation » pour désigner le chemin vers cette unité et cette vérité fondamentale, que l’on doit accomplir pour être « non divisé » face aux autres.
Le Soi de Jung dépasse l’Être et ses limites, il est connecté à l’Univers entier. L’Homme est un microcosme relié à un macrocosme immense, il fait partie d’une unité vivante qui le dépasse infiniment.
Le Soi en tant que Totalité
Il ne serait pas concevable de parler de la notion du Soi sans évoquer la notion de la Totalité qui est, pour Jung, un véritable principe de structuration quand le « moi » a la possibilité d’en prendre conscience. Cette totalité se manifeste par diverses images symboliques conduisant à une autre définition, celle du centre. Le « moi » a bien souvent à tendance à s’échapper de celui-ci, soit parce qu’il est incapable de s’y maintenir pour des raisons de dynamique psychique affaiblie, soit par manque de motivation et incompréhension du sens proposé par cette finalité. Le centre de la personnalité est donc ce que Jung nomme le Soi. Il est important de signaler et de garder à l’esprit que ce centre, qui semble souvent hors de portée, et mobile et change en permanence en fonction des rapports établis entre le conscient et l’inconscient.
Le rapport du « moi » avec le Soi est au cœur de l’œuvre de Jung et s’inscrit d’une manière significative dans la valeur qu’il donne à l’Homme et à son évolution. Le « moi » existe et possède une existence, ce qui n’est pas le cas du Soi : ce dernier reste à découvrir tout en se tenant dans un espace lui aussi inconnu. Le « moi » n’est pas qu’une conception, il s’agit d’une matérialité familière avec laquelle on habite et cohabite. Quant au Soi, véritable concept, on ne peut que s’acheminer vers lui, tel un idéal à atteindre, en empruntant la voie du « processus d’individuation ». Prendre conscience des valeurs du « moi » est une chose, ça n’indique aucunement que le Soi soit atteint. Quand le « moi » s’identifie à ce qu’il croit être le Soi, il y a risque d’inflation du premier.
Le Soi et le « moi »
Le Soi est la part de notre psyché qui initie et guide le Moi. Le Soi ne s’oppose pas au « moi » mais il l’englobe. L’expérience du Soi est presque toujours associée à un sentiment d’intemporalité, d’éternité ou d’immortalité. Comme l’avance Jung, notre totalité psychique s’étend bien au-delà des limites de l’espace et du temps. Infinie ou éternelle, elle rejoint le plein ou le vide. Au moment où l’Homme actualise son individuation, il atteint l’universel. Proche de l’état de complétude, il se sent relié au cosmos.
Les conflits et les confrontations du conscient avec l’inconscient consacrent les relations existantes entre le « moi » et le soi. Jung énonce que cette cohabitation singulière s’apparente à l’attitude que le fils manifeste à l’égard de son père. Le Soi, valeur inconsciente mais présente et omniprésente, oblige en permanence le « moi » au contact de ses prises de conscience à se parfaire et à se dépasser. C’est par la volonté engagée par le « moi » que le Soi émerge de sa préexistante inconsciente et qu’il rallie la conscience. Il est nécessaire, de ce fait, de séparer le « moi » du Soi et de les distinguer l’un et l’autre, tout en sachant qu’ils sont en liaison avec une même personne. Le contenu du Soi est infini et vaste, il se contient lui-même tout en étant illimité. La richesse de ce qu’il recèle se situe dans le fait qu’il englobe les valeurs de l’inconscient et de tout ce que possède ce dernier. Cette précision est capitale et fondamentale ; en effet, ce n’est pas le cas pour le « moi » qui ne représente que le point central de la conscience.
Message du Soi
Proverbe Hindou
« Devient celui que tu es depuis toujours ».
Symbole du Soi : le Mandala
Le Soi recueille un caractère permanent et évolutif, son essence et sa quintessence. Le Soi est le pivot autour duquel s’articule tous les éléments de la personnalité, il est, en soi, aboutissement et étape préparant toujours des développements futurs. Pour accéder à cette notion subtile et intangible du Soi, il n’existe donc une seule voie à suivre, celle du symbole.
Une des symbolisations majeures du Soi, Totalité qui contient le centre, est la figure du Mandala. Au-delà de ces images structurées organisées autour d’un centre, il existe pléthore d’autres archétypes du Soi comme la Pierre Alchimique, l’Enfant Divin, le Grand Sage.
L’archétype suprême du Soi apparaît à travers l’image de Dieu ou de ses représentants. C’est par la figure du Christ que se propose l’accès au divin. Cette allégorie est en adéquation avec le parfait et l’absolu. Il est évident que la manifestation de cet archétype est le résultat du référentiel chrétien et d’une vision relative à celui-ci. Cette conception du Soi/Christ/Bien se met en équation au concept opposé, Anti Christ/Diable/Mal.
D’autres cultures se réfèrent aux figures de :
*Bouddha
*Purusha : en philosophie hindoue ce terme désigne « l’Être, l’esprit divin, le macrocosme »
*Âtman : concept de la philosophie indienne āstika, ce terme a le sens de « pure conscience » d’être ou de pur « je suis », et désigne traditionnellement le vrai Soi, par opposition à l’ego
*l’Anthropos : « tronc mental universel »
*Pleroma : en grec ancien signifie « plénitude », ou « monde céleste »
Spécifiquement, l’expérience du Soi, pour Jung, possède un caractère essentiellement « numineux » mais il ne ressent pas le besoin personnel de mettre systématiquement Dieu à la place du Soi. Ce dernier est un concept tout comme l’image et le sens que l’on donne à Dieu, peuvent l’être.
Le « numineux », dérivé du latin numen, est selon Rudolf Otto la puissance agissante de la divinité, un « sentiment de présence absolue, une présence divine ».
Wikipédia
Il est à la fois mystère et terreur: c’est ce qu’Otto appelle le « mysterium tremendum ».
Le Soi comme une étoile dans le ciel
« Mon Âme et ma conscience, voilà ce qu’est mon Soi, dans lequel je suis inclus comme une île dans les flots, comme une étoile dans le ciel ».
C . G . Jung
*Le Soi ordonne et oriente l’aspiration du conscient vers la Totalité.
*Le Soi est un lieu où l’opposition des contraires est suspendue.
*Le Soi propose une possibilité d’accomplir le « processus d’individuation ».
*Les puissances de l’âme sont en lutte les unes contre les autres, et l’Homme a pour tâche de trouver son unité. Celle-ci se fait par l’émergence progressive d’une figure unificatrice puissante, que Jung a nommée le Soi, par analogie avec l’expérience indienne de l’Atman. Si le « moi » accepte la naissance en lui de cette figure dominatrice, il fait l’expérience d’une réalité qui le dépasse infiniment et qui a un caractère numineux (divin).
« L’ancrage du moi dans le Monde conscient et le renforcement de la conscience par une adaptation aussi rigoureuse que possible sont de la plus grande importance. »
C . G . Jung

Namaste
Source : Carole Sédillot ; pédagogue jungienne. Elle est conférencière, formatrice en symbolique et mythologie. Elle œuvre à une diffusion de la psychologie jungienne, mieux nommée psychologie des profondeurs.
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