Osé Âme

« Ce qui fait de Saturne, le Maître impartial qu’il est, c’est qu’il rend compte de notre capacité à prendre les choses telles qu’elles sont et à agir, le cas échéant, en toute intégrité. Il est à la fois l’obstacle qui nous arrête et l’attitude qui nous permet de l’affronter : il nous conduit à nous « saturniser » justement, autrement dit, à nous situer comme le père qui prend en charge sa vie. La prison de Saturne touche au cœur de l’évolution, car il semble qu’elle soit le moyen que la vie a inventé pour que nous sortions du rêve de l’identification à ses murs. C’est pour cette raison que Jung dit que la prison est, sous un certain angle, un symbole du Soi ».

Eric Berrut

Saturne se situe à l’extrême du septénaire planétaire, c’est la dernière planète visible à l’œil nu avant de plonger dans l’univers des planètes trans saturniennes non visible au regard humain. Cet espace illimité sensible uniquement au regard de la conscience est ouvert par Uranus, le Maître du Mental Supérieur Intuitif. Il symbolise la puissance de vie et de création, la conscience supérieure capable de détruire les structures usées saturniennes et relancer un nouveau germe de vie.

Relation Soleil / Saturne : le plomb se transforme en Or

La courbe céleste démarre avec l’astre solaire et se termine par Saturne, le Maître du Temps et des Limites.
Qu’y-a-t-il en commun, entre d’un côté l’éclat lumineux de l’or et de l’autre l’apparence terne du plomb, entre cette chaleur qui rayonne et ce froid qui concentre ; quelle parenté peut-on trouver entre ce Soleil qui donne sa lumière sans compter et ce Saturne qui est toute réserve, économie voire restriction ?

Saturne, Maître du Capricorne, la Terre Cardinale, inscrit l’Être dans les limites de la réalité et il arrive que sa nature de plomb insupporte, quand tout devient plus lourd et que tout se montre sous un jour plus sombre. Il œuvre au cœur de situations concrètes, au cœur des circonstances de l’existence, telle qu’elles se présentent et non pas telles qu’on le souhaiterait. Opposé à la Lune du Cancer, Saturne est sans complaisance. Pour lui les choses sont telles qu’elles sont et ne donnent pas lieu à des états d’âme.
On peut même aborder Saturne sous l’angle de la prison, « la prison saturnienne », il faut entendre par là, la situation concrète dans laquelle on se trouve avec tout ce qu’elle peut comporter de contraignant et de frustrations, avec tout ce qu’elle peut receler d’éprouvant à certaines heures de l’existence. Alors que la littérature astrologique réduit Saturne à la figure maléfique de celui qui engendre l’épreuve et qui amène avec elle son lot de souffrance, aujourd’hui le regard porté sur Saturne est bien plus nuancé.
La proposition aujourd’hui serait de le dépasser afin de vivre avec Uranus, Neptune et Pluton sur un plan trans personnel. Car la façon dont on considère Saturne apprend beaucoup plus sur soi-même que sur lui-même. Quand on souhaite dépasser Saturne, il se pourrait que cela soit la vie elle-même que l’on défie.

Chacun de nous est appelé à manifester « son Soleil » dans le monde de Saturne. Le processus saturnien se définit dans la durée et c’est ainsi que le « Soleil » se révèle au fil du temps. Il s’agit de  « subir » le processus alchimique sous la férule de Saturne en « se dépouillant » des conditionnements pour mettre en lumière « sa véritable identité nucléaire originelle ».
Dans son aspect ténébreux, Saturne représente le « Père terrible » qui dévore ses enfants (mythe de Saturne-Cronos). On dévore ses enfants à chaque fois qu’on tue dans l’œuf les aspirations à une vie plus vraie et plus pleine. On reste sourd à l’enfant intérieur. Le Père terrible est celui qui reconnaît l’enfant que s’il fait allégeance à sa loi.
Sur le versant le plus lumineux, l’association Saturne/Soleil évoque le Père qui nous conduit à la montagne des « Dieux ». Processus qui nous soutient sur le chemin de devenir « soi-même ».
Saturne, garant du « nom » et de la légitimité, peut donc se substituer au Soleil.
La période privilégiée pour mettre en lumière la suprématie du « Moi saturnien », c’est la phase où Saturne rétrograde, au cours de son cycle avec le Soleil. Dans cet aspect, il faut garder à l’esprit que celui-ci tend à remettre en cause l’aspect coercitif de Saturne et qu’il cherche dans le meilleur des cas, à relever le défi de la responsabilité au niveau du Soleil.
Le duo Soleil/Saturne rappelle que la « réalisation de Soi » passe par la croix. À travers elle, le vertical et l’horizontal convergent : l’Être se dresse dans la conscience de ce qu’il est. Cette croix symbolise le processus de l’individuation, car le Soi ne peut s’incarner que dans la destinée singulière de l’être. L’épreuve de Saturne, c’est de se contraindre à cette destinée et de renoncer au rêve d’une autre vie. Sa grâce, c’est de se mettre dans les conditions propices à l’individuation.

Soleil – Architecte / Saturne – Constructeur

Quand Saturne se soumet aux réalisations matérielles comme fin en soi, il est l’ombre du Roi, expression d’une puissance qui n’est pas subordonnée à l’autorité spirituelle. Serviteur du Soleil, Saturne accomplit ce qui est requis. Il ne se substitue pas à l’Architecte, mais il construit selon ses desseins, aussi mystérieux qu’il puisse paraître.
Saturne – Capricorne est l’archétype de « l’Homme Réalisé », en tant qu’il fait la volonté de Dieu. Il règne dans le signe où la loi s’accomplit et certains textes anciens disent que si le glyphe de celui-ci n’est pas défini, c’est parce qu’il est la signature de Dieu !

Les enjeux du cycle Soleil / Saturne :

*Renoncer à considérer la vie en fonction du degré de réussite et de reconnaissance qu’elle serait censée apporter, découvrir quel est le lieu où se réalise ce qu’on l’on ne connaît pas encore.
*Faire face aux situations qui se présentent, à tous les niveaux, en se référant à sa vie intérieure et construire ce qui doit l’être en se fondant sur elle
*Assumer sa place et son rang dans une société qui a ses fonctionnements et ses lois, tout en restant fidèle à soi-même
*Evoluer dans le sens d’une responsabilité qui ne soit plus allégeance aux principes qui dominent dans le milieu où on se trouve, mais une véritable prise en charge de ce que l’on est.

Relation Lune / Saturne : L’Eau et le Vase

Saturne – Capricorne et Lune – Cancer se font face dans le zodiaque et l’essentiel de leurs valeurs s’opposent et se complètent.
Saturne est la maîtrise de soi de l’adulte, la Lune est l’expression sans retenue de l’enfant qui s’épanche, en rire aussi bien qu’en larme. Il est la solitude et le silence du désert immense ; elle est l’oasis fraîche où l’on partage l’eau et les fruits ; il est le sec et elle est humide.
Saturne évoque alors le lien entre l’eau et le vase, elle est le contenu, l’intériorité toujours changeante, il est le contenant qui limite et qui donne forme. C’est dans ce rapport entre l’eau et le vase, entre l’enfant et l’adulte, entre la sensibilité vivante et la solidité structurante que se joue le cycle Lune / Saturne.

Une autre manière d’aborder la relation entre ces 2 planètes, c’est évidemment de les relier aux figures parentales. La Lune est la mère, le havre qui offre le refuge de son sein et la chaleur de ses bras. Elle est l’accueil inconditionnel grâce auquel l’enfant peut s’épanouir en toute sécurité. Saturne est le père qui traverse solidement l’existence et qui appelle l’enfant à marcher à son tour et à se dresser dans le monde.
De spirale en spirale, le cycle Lune / Saturne pousse à faire le deuil d’une matrice pour qu’on en construise une autre plus adaptée à son âge et à sa situation. Saturne affranchit l’Être à être un Être moins tributaire d’un objet dont il dépend ou d’un Être à qui on s’attache. Petit à petit, chacun accède à plus d’autonomie sur le plan matériel et affectif. Un espace intérieur de sécurité s’affermit, tandis qu’on évolue de la « mère – autre » à la « mère à soi-même ».

« Le chat agit en Prince qui vous honore en vous autorisant à lui servir à manger, après quoi il se frotte contre vos jambes et vous accorde le privilège de le caresser. Et cela, de façon si suggestive que, naturellement, vous vous penchez et, humblement, vous obéissez en vous sentant très flatté »

M . L . Von Frantz

Une dissonance Lune / Saturne s’exprime dans l’injonction de ne pas s’écouter, de ne pas ressentir, et de serrer les dents coûte que coûte. On peut mettre en analogie la mythologie du chat comme animal divin et la juste compensation de la peur existentielle. Ceux qui souffrent d’une telle peur devraient nourrir la pensée qu’ils honorent les autres simplement en entrant dans une pièce. Il devrait prendre le chat comme modèle, pour se sentir en sécurité pour apprendre ce que toute personne ayant un « complexe mère négative » doit apprendre : prendre soin de soi avec l’insouciance de la nature ! 
Saturne insiste sur l’autonomie de chacun. Il constitue une mise en garde contre toute forme d’apitoiement et de secourisme et, plus subtilement, contre toute forme de complaisance, à l’égard de soi, comme à l’égard d’autrui. Il montre que la clé de l’aide ne se situe pas seulement au niveau du sentiment et de l’empathie lunaire, mais tout autant dans la présence de celui qui invite à faire face à une situation que l’on vit, de manière sobre et responsable.
La recherche du détachement s’accompagne toujours de l’évitement, sinon du refus inconscient de quelque chose. Nul ne s’affranchit de ce qu’il n’a pas vu et accepté jusqu’au bout. Pour le saturnien, attaché à se détacher, le chemin de l’individuation passe indubitablement par le ressentie lunaire. La nature saturnienne est solitaire avec un besoin d’être honoré, mais si cette nature est dans un déni de la dimension lunaire, il ne s’agit plus de tendance naturelle mais d’un système d’isolement qui entrave tout sentiment d’attache et de parenté. C’est tout le principe de la relation Lune / Saturne, d’observer sa capacité à vivre aussi bien en intimité avec autrui que dans la solitude. Le lunaire fuit la solitude, alimentant son grand besoin affectif  avec sa famille, ses proches, son partenaire pour se sentir en sécurité, quand le saturnien peut s’isoler de son côté, car la proximité avec autrui induit un malaise qui représente une menace inconsciente.

Saturne – Montagne / Lune – Vallée

Le cycle Lune / Saturne réside dans la dialectique entre l’appartenance, au sens large, et la consolidation individuelle. Au fur et à mesure que ce processus s’approfondit, l’Être est amené à renforcer ses frontières, les limites de Saturne, par rapport à ce qui l’entoure. En même temps que sa position se différencie, il peut tisser des liens de plus en plus conscients avec autrui. C’est en se hissant sur la montagne de Saturne que l’on soustrait de la participation inconsciente à la famille, au groupe, à la matrice socioculturelle. Les cimes arides et glacées constituent un habitat naturel. Ceci dit, il faut expérimenter « la vallée humide » là, où l’humain établit son village, là où s’étalent les terres fertiles de la vie psychique. Ce chemin de la vallée vers la montagne, des cimes vers la plaine évoque tant la relation entre l’individu et la communauté, que la dialectique entre le Moi et l’inconscient.

Les enjeux du cycle Lune / Saturne

*Demeurer une sensibilité vivante tout en se construisant, tout en devenant assez solide pour affronter le monde et ses difficultés
*Etre ouvert et réceptif, se laisser émouvoir tout en restant inébranlable sur ces bases
*Nourrir sa vie la plus intime tout en assumant ses obligations tout en œuvrant à travers les conditions que l’existence offre
*Devenir de plus en plus mature et autonome, tout en partageant des liens de proximité avec ce qui nous entoure
*Allier rondeur et structure, se laisser vivre et se discipliner à la fois.

« Sous la forme du vent, l’Esprit de Dieu souffle dans les roseaux et l’Homme l’entend dans la mesure où il rend réceptif et silencieux ».

Eric Bérrut

Saturne, Soleil et Lune résume tout 3, une dimension de « ce qui est » :
*ce qui est sur le plan intérieur, au niveau de la sensation physique, de la résonance émotionnelle, se rattache à la Lune. Celle-ci renvoie à  l’expérience personnelle, intime, et serait relié, selon Luc Bigé, à la vibration du prénom
*ce qui est sur le plan extérieur, au niveau des circonstances qui adviennent dans la forme inscrite dans l’espace et dans le temps, renvoie à Saturne. Celui-ci représente la réalité des faits qui constituent la situation à laquelle on doit faire face dans un monde objectif. Luc Bigé l’associe à la vibration du nom de famille.
*ce qui est au cœur de toute chose, qui sous-entend tout ce qui advient dans la forme, se traduit par le Soleil, il est l’identité véritable soit le « sans nom ou sans prénom », on peut, de ce fait, le relier vibratoirement à l’énergie de la somme théosophique de la date de naissance.

Ainsi, Saturne symbolise un processus psychique et un cheminement d’expériences de la réalité, il ne se limite pas à figurer de la souffrance, de la restriction et de la discipline, il est l’agent essentiel d’une suite méthodique d’un développement lent et progressif de l’Être. Il est l’enseignant rigoureux et froid de l’expérience par la souffrance, des limites et de la loi comme moyen d’accomplissement et d’éveil de la conscience.
Saturne est l’agent spécial de l’état de plénitude symbolisé par l’archétype du Soi, ne suggérant pas une perfection comme la face idyllique de la nature humaine, mais plutôt un état de totalité à l’intérieur duquel tout ce qui fait partie de l’Être trouve sa place de façon harmonieuse à l’intérieur du Tout.

Namaste

Source : Eric Bérrut « Chemin de Soi »
Il enseigne la psychologie et l’astrologie en Suisse et en France. S’inscrivant dans une démarche psychologique d’inspiration jungienne, il utilise l’astrologie comme moyen privilégié pour éclairer les figures du mythe qui constituent la trame des destinées individuelles et collectives.