L’Ombre selon C . G . Jung

« Le mal constitue le nécessaire opposé du bien, sans lequel le bien n’existerait pas non plus »

C . G . Jung

Définition

L’Ombre est un phénomène psychique, une partie de la psyché formée de la part individuelle qui ne se connaît pas elle-même et dont l’existence même est souvent obscure et mystérieuse. C’est l’un des principaux archétypes décrits par C . G . Jung dans le cadre de sa psychologie analytique. Consistant en un « éternel antagoniste  » à l’origine de nombreux conflits psychiques, l’Ombre est une partie de la psyché bafouée et ignorée, mise à l’abandon par l’éducation et qui rassemble des complexes psychiques souvent perçus par la conscience comme négatifs, aboutissant à la cristallisation d’un spectre anxiogène.
Jung décrit 2 couches différentes d’ombre :
*Couche supérieure de l’ombre : contenu de l’esprit que l’on arrive à garder hors de la conscience, en déplaçant son attention, en la réprimant ou en l’oubliant. Il s’agit d’une expérience directe de l’être.
*Couche inférieure et profonde de l’ombre : contenu qui appartient à l’inconscient collectif, il circule dans le cerveau librement et indépendamment de l’esprit conscient.

« L’ombre est quelque chose d’inférieur, de primitif, d’inadapté et de malencontreux, mais non d’absolument mauvais. Il n’y a pas de lumière sans ombre et pas de totalité psychique sans imperfection. La vie nécessite, pour son épanouissement, non pas de la perfection mais de la plénitude. Sans imperfection, il n’y a ni progression, ni ascension ».

C . G . Jung

Ombre ou Eveil

L’ombre, symboliquement, peut être porteuse de significations puissantes au niveau culturel et artistique. Elle présage d’événements sinistres, de forces obscures ou de dangers cachés. Cet archétype inconscient et énigmatique finit par se manifester d’une façon concrète et devient, de fait et à part entière, une expérience vécue.
Se confronter, ou affronter, son ombre demande au « Moi » du courage, de la volonté et même de l’audace ; en effet, la conscience, en tant que gardienne, doit préserver l’inconfort de l’Être et se mettre « en résistance » à ce qu’elle ne veut pas voir inconsciemment. Tout le contenu de l’ombre est invisible et inconscient, d’ordre primitif, archaïque et inadapté. La personne devra être soumise à une prise de conscience et s’éveillera. L’obscurité est en nous ; naturellement, il semble plus judicieux de la projeter et de le faire porter à l’autre. C’est en acceptant l’existence, en soi, de cette part ténébreuse et incontrôlable que l’on arrivera à plus de clarté et de discernement.

La Rencontre de l’Ombre

Cette confrontation n’est jamais agréable et se déclare souvent par un choc qui nous fait reconsidérer nos choix et nous invite à l’intériorité. Cela peut se conditionner par différents cheminements comme l’analyse, la spiritualité ou la créativité, en s’unissant et s’enrichissant mutuellement pour œuvrer à l’intégration de l’ombre. En effet l’ombre intégrée à la conscience est l’une des phases majeures du processus d’individuation. Cette démarche permettra l’élargissement de la conscience et d’ainsi se diriger vers la construction du Soi. Se propulser vers les cimes équivaut à s’enfoncer le plus profondément possible dans les racines, ce qu’il y a de plus sauvage en nous cohabite avec ce qu’il y a de plus évolué.

« L’ombre est la personnification de tout ce que le sujet refuse de reconnaître et d’admettre en lui. Se mêlent en elle les tendances refoulées du fait de la conscience morale, des choix qu’il a faits pour sa vie ou d’accéder à des circonstances de son existence, et les forces vitales les plus précieuses qui n’ont pas pu ou pas eu l’occasion d’accéder à la conscience ».

C . G . Jung

Ombre : le Jumeau

L’ombre, comme instance psychique autonome et dynamique, se construit comme un double, un frère jumeau ou une sœur jumelle intérieur et opposé comme un miroir, elle représente une figure du « moi », elle se dissimule dans les rêves et dans les projections psychiques liées à la peur de l’autre. C’est l’archétype le plus attaché à la résistance car ce n’est jamais agréable d’apercevoir ou de voir pointer le nez de la partie la moins sympathique et la moins glorieuse nichant à l’intérieur de nous-mêmes. C’est, de façon mécanique, que nous sommes gouvernés par la peur de notre ombre. L’ombre projette ses défauts sur l’extérieur et la plupart du temps sur l’autre.
L’ombre est un problème moral qui défie toute la personnalité du « moi », car nul ne peut réaliser l’ombre sans un déploiement considérable de fermeté morale.

« Ce frère représente ce qui manque à notre conscience, ce qui aurait pu vivre mais est resté enfoui en nous sans parvenir à naître. Si vous êtes timide et réservé, votre ombre aura probablement les traits d’un personnage très sûr de lui, séducteur et plein de charme. À l’inverse, si vous avez une personnalité énergique, si vous adorez les défis et l’aventure, votre ombre aura l’aspect d’un être anxieux, craintif et pantouflard ».

Daniel Cordonier

Une Cohabitation Délicate

Il nous faut prendre conscience de « nos ennemis intérieurs », car l’ombre a tendance à construire des prismes déformés et jugeant, des préjugés, des stéréotypes, des états d’être malsains ou malveillants, des désignations de « bouc émissaire », de folie ou de maladie, pour se justifier ! Il s’agit de libérer l’ombre et de procéder à la réconciliation des parties contraires et contradictoires qui nous investissent. En effet, nous vivons et nous appartenons à un monde binaire, une chose n’existe et n’a de valeur que par l’expression de sa polarité contraire.
Le refoulement est un mode de fonctionnement de l’ombre, le « moi » ne veut pas être détrôné par son inconscient car il a trouvé une stabilité dans le monde de la conscience. C’est une attitude qui instruit l’empêchement de l’inconscient à avancer vers la conscience car tous les éléments de notre vie pourraient en être perturbés.
Apprendre à se définir suppose donc pour l’Être d’identifier son ombre, cette démarche reste complexe et délicate car il est difficile de se dégager des projections tapies dans l’ombre, la nourrissant.

Vivre en Harmonie avec son Ombre.

Le cheminement est de devenir un « Être complet et paisible », l’Être aura la mission d’intégrer et de s’harmoniser avec la part de son ombre, celle qui se dévoile de manière instinctive et pulsionnelle par le biais des désirs, des plaisirs et des passions. L’Être n’est pas un animal mais il porte en lui, une part animale dont il doit prendre conscience afin de la maîtriser. Si l’Être s’identifie à son ombre, il y aura un choc violent, une collision entre le conscient et inconscient qui le plongera dans un état de possession et d’ivresse comportant de réels dangers pour son psychisme. Dans ce cas, l’ombre se divulgue comme la part la plus négative, la plus inférieure et refoulée de l’inconscient personnel. Par contre, en s’associant avec les profondeurs de la conscience, l’analyse jungienne fait la démonstration d’une organisation plurielle et différenciée des protagonistes qui, justement, s’expriment dans ce monde inconscient. Face au « moi », l’ombre, l’altérité tant redoutée, est un révélateur absolu de l’inconnu du soi.
L’Être qui marche en plein soleil est toujours suivi ou poursuivi par son ombre. Le travail d’intégration de cette partie sauvage et inconnue est la « conscientisation » de celle-ci en faisant face et en affrontant les peurs et les angoisses que celle-ci suscite. Cette tension, bien que très déstructurante dans un 1er temps, oblige le « moi », afin de se tenir psychologiquement en équilibre, à s’orienter et à tendre vers une unité par l’élaboration d’un « 3ème terme ».

Travailler l’Ombre

S’atteler à « travailler notre ombre » n’a que des effets bénéfiques sur notre évolution et notre équilibre :
*Soulagement des souffrances mentales et physiques
*Grandissement de l’authenticité personnelle
*Augmentation de la créativité
*Epanouissement de l’énergie positive
*Amélioration des relations
*Grande maturité
*Clarté des perceptions

« Le concept d’ombre formule la signification et les conditions de la prise de conscience des composantes antagonistes, il situe la psychanalyse au niveau d’un drame des valeurs qui ne fait pas seulement appel à la lucidité, mais plus encore au courage éthique ».

Elie Humbert

L’Ombre comprend toutes les facettes de la personnalité qui ont été réprimées ou rejetées pour correspondre au modèle social. Ces facettes ignorées, méprisées ou reléguées à l’arrière-plan finissent, tôt ou tard, par réclamer le droit d’exister, au risque que la personnalité se fragilise et se fracture, voire « pète un câble » ! La crise du milieu de vie est bien souvent la revendication de l’Ombre à vouloir enfin se dévoiler et s’exprimer. Pris dans cette tension des opposés, le « Moi » doit lâcher la Persona, apprivoiser son Ombre et réconcilier les contraires pour trouver une voie d’intégration de l’Ombre. Percevoir son Ombre, c’est identifier ce que nous estimons être des défauts (l’égoïsme, l’avarice, la lâcheté, l’indifférence, le manque de compassion, le mensonge, etc.). Intégrer ces aspects déplaisants de nous-mêmes n’est pas la partie la plus plaisante du processus d’individuation, mais elle est nécessaire pour éviter de projeter notre Ombre sur les autres en les accusant des pires mots (ou maux) qui, au fond, nous appartiennent.

Namaste

Source : Carole Sédillot ; pédagogue jungienne. Elle est conférencière, formatrice en symbolique et mythologie. Elle œuvre à une diffusion de la psychologie jungienne, mieux nommée « psychologie des profondeurs ».


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